Compter avec Lacan |
sommaire du numéro 49 Automne 2022 |
Argument
Freud a toujours eu un rapport privilégié aux chiffres (dans les rêves et avec les dates par exemple), ne serait-ce qu’au départ, dans sa relation avec Fliess. Surtout, le comptage est inhérent à la notion même de répétition, fondamentale pour la psychanalyse, ainsi qu’à celle de « déplacement » (Entstellung) découvert par Freud dans le rêve : « faire passer la jouissance à l’inconscient, c’est-à-dire à la comptabilité, c’est en effet un sacré déplacement. » (Lacan, "Radiophonie")
Lacan ne s’est jamais départi d’une référence au comptage et au nombre, et ce depuis le début de ses travaux. Citons « Le nombre 13 et la forme logique de la suspicion » ainsi que « Le temps logique et l’assertion de certitude anticipée ». Il s’agit de textes s’insérant dans une logique collective. Mais ce n’est pas pour l’opposer à une logique individuelle, au contraire. En effet dans le temps logique Lacan affirme que le « collectif n’est rien, que le sujet de l’individuel ».
Il s’agit précisément de trouver des modes de comptage appropriés au sujet tel que Lacan le définit, soit non identifiable à un individu car justement divisé, entre deux signifiants du langage dont l’un le représente pour l’autre. Un sujet divisé, en défaut d’une subjectivité (pour « se » compter un par exemple) sauf à se fixer à un objet pulsionnel dans un fantasme, un sujet divisé dans son rapport au sexe qui n’atteint pas le deux d’un rapport d’eux, dits hommes et dites femmes.
Ces quelques remarques justifient la nécessité de modes de comptage spécifiques aux psychanalystes, à savoir l’introduction de nombres irrationnels, incommensurables au nombre entier 1, avec, de façon non exhaustive, le +1, ou un en plus, pour le trait unaire du sujet et le tour en plus sur le tore du désir par rapport à la demande ; d’où le nombre irrationnel dit nombre d’or pour évaluer la division du savoir et de la vérité relativement au sexuel ainsi que le trois premier (réalisé avec le nœud borroméen) pour compter un, ou encore le quatre de la structure… sans compter le mystère de la question sur la possibilité d’un troisième sexe.
On entreprendra de répertorier les différents modes de calcul de Lacan, leurs applications, leurs variations, le mode de penser (pensare = « mesurer ») qu’ils mettent en jeu. Ce faisant, on pourra cerner la place de ces comptages dans notre propre lecture de Lacan et les interprétations éparses que nous en faisons, ainsi que définir l’usage de la notion de réel portée par le nombre et son lien à la topologie.
Sans oublier la question : jusqu’où l’humain compte ? Jusqu’à 6 ? Au-delà ? Sachant que l’animal compte jusqu’à trois dans la jalousie. Question qui trouve une dimension collective avec la notion de cartel : composé d’un plus-un et ne comptant pas plus de six personnes.
Sommaire
Emmanuel Koerner
Compter, au-delà du mur. Une question de Lacan à Michel Foucault
Erik Porge
L’instance du nombre dans l’inconscient
Bernard Vandermersch
Ce qui compte ne peut être compté. (Incompatible comptabilité)
Julien Copin
Le touthommisme aujourd’hui
Frédéric Pellion
De petit i à petit a, Descartes, Lacan et les écueils du compte
René Lew
L’Autre calcule le sujet…qui le lui rend bien,sans rien de premier entre eux
Jean-Louis Sous
Troisième, triple ou trois…
Albrecht Hirschmüller
Freud chez Charcot. Genèse de l’étude « Quelques considérations ... », Traduction Thiery Longé
Anaïs Hascoët
"L’esp d’un laps, soit puisque je n’écris qu’en français"
Lectures
Nathalie Michon
Jacques Alain Miller, Comment finissent les analyses, Paradoxes de la passe
Nathalie Georges Lambrichs
Trou(v)er les mots. Clotilde Leguil, Céder n’est pas consentir