Argument

Dans son premier numéro, en 1998, essaim faisait l’hypothèse que, malgré la dispersion des analystes lacaniens (mais comment définir des lacaniens ?), il existait une communauté analytique issue de l’enseignement de Lacan et que les travaux de celle-ci devaient permettre de dégager des enjeux décisifs pour que cet enseignement se prolonge au-delà du vivant de Lacan.
Des travaux importants, il y en eut de nombreux et essaim, parmi d’autres publications, contribua à les diffuser. Cependant, 10 ans après, en 2018, essaim (n°21) dut reconnaître que ces travaux n’avaient pas donné lieu à de grandes controverses qui auraient eu des conséquences telles qu’elles proposent les bases d’une lecture où le oui n’équivoque pas avec le non, ou encore l’invention d’un « signifiant nouveau », tel celui instancié par la lettre de l’objet a.
Les travaux relevant de l’enseignement de Lacan mirent à jour, au-delà des conflits personnels, des lignes de fracture - il faudra les préciser, essaim en a noté quelques-unes dans le n°21 – entre des interprétations différentes du texte de Lacan.
Toutefois ces lignes de fracture n’ont pas été reconnues par tous les lacaniens comme non compatibles. D’où la diffusion d’une vulgate cacophonique qui émousse le tranchant du dire de Lacan et laisse inexploré ce qu’il y avait d’inachevé ou de porteur d’une latence féconde.
Aujourd’hui, et après le choc des discours politico-sanitaires sur la pandémie de la Covid 19 qui mirent à l’épreuve la pratique de l’analyse ainsi que les liens entre analystes, nous reformulons la question des suites de l’enseignement de Lacan en fonction de la prise en compte des liens de travail entre analystes – qu’ils soient ou non internes à des Associations ou à des Ecoles.
C’est là que la formule d’ « épars désassortis » (lisible dans la Préface à l’édition anglaise du séminaire Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse) nous intéresse. Elle s’oppose à l’idée que les analystes, y compris ceux qui auraient fait la passe, constitueraient un « tous ». Cela rejoint la proposition que l’analyste relève du « pas-tout », comme limite au « tout ». En outre l’épars favorise l’éclair (« épart » en vieux français) qui peut éclairer l’analyste dans son exercice.
Nous proposons, avec ce numéro n° 50, de ne pas prendre la formule « épars désassortis » comme un jugement négatif mais comme le support d’une indication positive à partir de laquelle peuvent se nouer des « transferts de travail » (expression elle-même à interpréter) entre analystes.

Sommaire

Jacques Lacan
Notes préparatoires à un séminaire. Liminaire par Jacques-Alain Miller

Erik Porge
Echos d’épars désassortis

Nathalie Michon
Epars désassortis au travail : un itinéraire

Jérémie Salvadero
Disparité

Jean-Jacques Rassial
L’(a)sociation et l’achèvement de l’analyse didactique

Patrick Landman
Communauté des analystes : Impossible ou impuissance ?

Anne-Marie Braud
Des « épars désassortis », une nécessité, pas sans l’éclair

Nina Virgínia de Araújo Leite
La troisième rive : le littoral des “épars désassortis”

Antonia Birnbaum
Un courage sans héroïsme Antigone, Créon, Ismène, Hémon, Tirésias

Véronica Diez
Les nouveaux « dysparates » à l’école : des diagnostics handicapants portés sur les enfants

Lectures

Dorothé Muraro
Nils Gascuel, Le désir de l’enseignant, Eres, coll. Essaim, 2022